La Russie de Poutine? «Une kleptocratie sans idéologie»

À quatre mois de l’élection présidentielle russe, le paysage de la campagne se met en place. Si l’opposition est représentée, Vladimir Poutine est assuré d’être réélu. Tentative de définition du poutinisme à l’aune d’un quatrième mandat qui devrait être le dernier, avec le chercheur ukrainien Anton Shekhovtsov.

Amélie Poinssot

Anton Shekhovtsov, politologue ukrainien, s’intéresse depuis longtemps aux droites extrêmes, sur lesquelles il écrit régulièrement dans son blog. Dans son dernier ouvrage, Russia and the Western Far Right (« La Russie et l’extrême droite européenne », non traduit pour l’instant en français), publié aux éditions Routledge, il explore les liens réciproques passés et présents entre le pouvoir russe et les partis et idéologies d’extrême droite sur le continent. Une approche qui lui permet de définir, en creux, le système Poutine, tandis que le scrutin présidentiel du 19 mars prochain s’annonce sans surprise.

Pourtant, une figure nouvelle est apparue dans ce début de campagne électorale, celle de Xenia Sobtchak, qui critique ouvertement certains éléments de la politique du Kremlin, en particulier l’annexion de la Crimée. Que signifie cette candidature dans le contexte russe actuel ? Quel est l’enjeu de ce qui s’annonce comme le quatrième mandat de Vladimir Poutine ? Comment ses positions ont-elles varié depuis sa première accession à la présidence du pays, en 1999 ? Entretien avec le chercheur ukrainien à l’occasion de son passage à Paris.

Mediapart : Vous écrivez dans votre ouvrage que Moscou « utilise différents outils idéologiques » qui font du poutinisme « un assemblage éclectique et à but utilitaire de préceptes philosophiques qui mélange des symboles communistes et tsaristes, nationalistes et internationalistes, avec des événements et des personnages disparates de l’histoire russe ». Quel est l’objectif de cet agrégat ?

Anton Shekhovtsov : Toutes les puissances mondiales ont une idéologie. L’Union soviétique était une puissance idéologique ; c’était un État qui se définissait comme un État communiste, et c’était une puissance mondiale. La Russie veut accéder aujourd’hui au même niveau, mais sans le bagage idéologique. Le tournant conservateur opéré en 2012/2013 et le fait que Moscou se positionne à présent comme le défenseur des valeurs traditionnelles dans le monde et ce qu’il conçoit comme les « vraies » valeurs européennes, sont à mon avis liés à cette volonté de puissance.

Son intérêt pour les extrêmes droites européennes n’a en effet rien à voir avec des développements intérieurs russes. C’est plutôt lié à des facteurs externes – en particulier, les révolutions de couleur dans les États postsoviétiques – et à un antioccidentalisme assez répandu au sein des élites russes.

D’après les enquêtes d’opinion, la population russe, elle, est moins antiaméricaine et moins antioccidentale que les élites. Ce sentiment s’exprime en réalité surtout dans la rhétorique des médias. Même les élites envoient leurs enfants dans les universités américaines, placent leur argent dans les banques occidentales, investissent dans les entreprises de l’Ouest … tout en exprimant un point de vue antiaméricain, car elles sont intimement convaincues que l’Ouest tente d’orchestrer un changement de régime en Russie.

Protéger le régime est donc le but principal du système Poutine. Or, défendre ce régime à l’extérieur passe par l’affaiblissement de l’unité de l’Ouest et la déstabilisation des démocraties occidentales. L’idée est que ces dernières vont finir par s’isoler les unes des autres, regarder chacune leurs propres problèmes et ainsi ne plus être en mesure de se tourner contre la Russie. C’est du moins ainsi que pensent les élites russes aujourd’hui.

Pensez-vous que la Russie a toujours peur des développements ukrainiens, après ce qui s’est passé en 2004 (la« révolution orange»), puis en 2013-2014 (soulèvement du Maïdan)?

Le pouvoir russe cherche à empêcher le processus de modernisation et de démocratisation de l’Ukraine. Pour les élites russes, la nation ukrainienne doit toujours faire partie d’un ensemble plus grand, avec la Russie et la Biélorussie. Or, si l’Ukraine réussit à se moderniser et à se démocratiser via son rapprochement avec l’Ouest, alors la population de la Fédération de Russie va penser que c’est possible chez elle aussi, et ce serait la fin du régime Poutine. Pour protéger ce système, le pouvoir russe a donc besoin d’empêcher cette tendance pro-occidentale en Ukraine. D’où la guerre hybride dans le Donbass. Les Russes n’ont pas besoin de ce territoire en tant que tel ; ils ont besoin du Donbass pour conserver l’Ukraine dans un état qui l’empêche de rejoindre l’Ouest.

Comment qualifier l’idéologie de Vladimir Poutine ?

Je ne pense pas que Poutine ait une véritable idéologie. À mon avis, il y a d’ailleurs très peu de gens qui croient à l’idéologie dans la société russe.

La Russie de Poutine est une kleptocratie autoritaire. En termes de sciences politiques, je m’inscris dans la lignée des travaux de Juan Linz, pour qui les régimes autoritaires n’ont pas d’idéologie. Les régimes totalitaires, oui. Mais pas les régimes autoritaires. Ces derniers vont seulement utiliser différentes idéologies pour mobiliser la société à des moments particuliers sur des sujets particuliers. Ce sont des régimes relativement flexibles, pragmatiques, cyniques.

Le régime de Poutine peut à un moment donné se référer à la Russie impériale … Mais s’il en a besoin, il peut aussi utiliser des références à Staline … et puis le critiquer, tout en louant certains aspects de l’Union soviétique. L’hymne national est un très bon exemple de cette flexibilité. La musique est toujours la même qu’à l’époque soviétique, mais les paroles ont changé.

La base du discours de Poutine reste toutefois guidée par des valeurs très conservatrices …

Oui, le régime se positionne comme une force conservatrice, car il veut être un acteur de premier plan au niveau mondial. Il ne peut pas s’imposer s’il joue dans la catégorie des libéraux-démocrates.

Il ne s’agit pas là de convictions. Et la société russe n’est pas conservatrice. Si vous regardez le niveau de tolérance par rapport à l’avortement par exemple, ce n’est pas du tout un pays conservateur. Y compris ces élites qui vont défendre publiquement les valeurs conservatrices : quand elles voyagent à l’étranger, elles n’ont aucun problème avec les valeurs occidentales !

Même chose au sujet de l’homosexualité. Certes, il existe cette loi qui interdit la« promotion de l’homosexualité ». Mais ce n’était pas une demande de la société … Ce sont les dirigeants qui ont voulu ce texte, en partie pour répondre au mouvement d’opposition grandissant en créant des divisions. C’était aussi l’objet de la loi interdisant aux couples américains d’adopter des enfants russes.

Le choix d’une orientation conservatrice

Prenons le cas de Pussy Riot. Les dirigeants russes ont décidé d’utiliser cette histoire en mettant en avant l’aspect religieux afin de provoquer des divisions. Mais, en réalité, la performance de Pussy Riot dans l’église de Moscou en 2012 n’avait pas tant fait scandale. Le gouvernement a décidé de réagir sévèrement. Cela a conduit à des divisions dans l’opposition, car certains soutenaient Pussy Riot, d’autres non … C’est une technique éprouvée en Russie : provoquer des divisions au sein de l’opposition.

Mais si vous regardez la société russe en général, elle n’est pas dominée par des valeurs traditionnelles. Elle n’est même pas religieuse. Peu de gens vont régulièrement à l’église. Seule une petite minorité le fait. Un autre indicateur de cela, ce sont les divorces : de très nombreux couples divorcent en Russie, dans les classes moyennes comme au sein des élites. Poutine lui-même est un divorcé …

Cette orientation conservatrice relève-t-elle donc d’un choix rationnel de Vladimir Poutine?

Oui, je pense que ce fut un choix rationnel. On le voit dans l’analyse de ses discours : entre ses premières années au pouvoir et ses discours depuis 2012-2013, l’image qu’il voulait associer au pays a profondément changé.

Parallèlement, il y a eu de nombreux développements internationaux. Pour moi, le changement de discours est davantage lié à cela et à la place que la Russie veut occuper dans ce nouveau contexte qu’à la situation intérieure du pays. Ce sont en effet les révolutions de couleur dans le monde postsoviétique qui ont conduit à la posture antioccidentale du Kremlin. Les événements ukrainiens, quant à eux, ont fait basculer les médias russes. Ainsi la télévision Russia Today, qui n’était qu’un instrument légitime de softpower, est-elle devenue, depuis qu’elle a été rebaptisée« RT », un instrument de darkpower, cherchant à influencer les politiques menées à l’étranger – et plus seulement à montrer combien la Russie était un beau pays.

Cette période de changements est aussi marquée par le printemps arabe, que l’establishment russe, là aussi, considère comme orchestré par l’Ouest. Pour lui, toutes ces révolutions ont été organisées par les États-Unis et les alliés américains en Europe. Il y a eu aussi la loi Magnitski, adoptée en 2012 par le Congrès américain : ce sont les premières sanctions significatives qui visent la Russie. Sont touchés des fonctionnaires russes suspectés d’être impliqués dans le décès de Sergueï Magnitski, avocat symbole de la lutte contre la corruption mort en prison sous la torture, mais aussi des citoyens coupables d’avoir violé des droits de l’homme.

Enfin, les élites russes ont vu dans les protestations de 2012 en Russie le soutien des Américains. Même chose avec le soulèvement ukrainien en 2013 … Bref, tout cela a contribué à l’idée que l’Ouest travaillait activement à diminuer la Russie.

Dans votre livre, vous décrivez les liens actuels et passés entre des personnalités politiques russes et différents partis d’extrême droite européens. Vous vous attardez en particulier sur les personnages de Vladimir Jirinovski, Sergueï Glaziev et Alexandre Douguine. Que représentent ces gens aujourd’hui ?

Vladimir Jirinovski est toujours le leader du parti d’extrême droite, le mal nommé Parti libéral-démocrate de Russie. Il fait partie de cette opposition fantoche au pouvoir. Au Parlement, il soutient toutes les décisions prises par le Kremlin. Il a été assez actif dans l’établissement de liens avec les extrêmes droites européennes dans les années 1990 et au début des années 2000. Malheureusement pour lui, il n’a pas réussi à amener ces connexions à un haut niveau, bien qu’il ait créé le Congrès mondial des partis patriotiques au début des années 2000. Les réunions annuelles de cette organisation ont petit à petit attiré de moins en moins de monde.

Alexandre Douguine, de son côté, construit ces liens depuis la fin des années 1980, et c’est lui qui dispose du plus gros réseau de contacts avec les extrêmes droites européennes. Il continue de travailler avec elles, y compris l’extrême droite américaine. Mais il n’est pas l’idéologue de Poutine, il est même aujourd’hui assez loin du Kremlin. Son parrain, Konstantin Malofeev, l’a écarté des positions qu’il occupait à Tsargrad TV et au think tank Katehon. Malofeev lance à présent de nouveaux projets, sans lui.

En réalité, Douguine est devenu assez toxique, même pour Malofeev : il a des ennemis dans l’establishment russe, ses nombreuses connexions fascistes discréditant le Kremlin, qui ne veut pas apparaître comme proche de ces milieux. Rappelez-vous que la Russie de Poutine se présente comme un État antifasciste ! Les médias russes d’État utilisent parfois Douguine quand ils ont besoin de montrer que Poutine est un modéré : Douguine est là pour le contraste …

Sergueï Glaziev est formellement un conseiller de Poutine, mais Poutine a de nombreux conseillers. Je ne crois pas que son opinion pèse beaucoup aujourd’hui. Il a été assez utile pour organiser des manifestations anti-Kiev en Ukraine: des enregistrements ont fuité après l’hiver 2013-2014, montrant qu’il donnait des instructions à des agents en Ukraine pour déstabiliser les autorités.

Les liens entre le Kremlin et les extrêmes droites européennes ne sont-ils donc pas si importants que cela aujourd’hui ?

Le Kremlin ne cherche pas systématiquement à établir des liens avec l’extrême droite. Cela dépend de l’état de ses relations avec les partis gouvernementaux : s’il peut corrompre des politiciens mainstream, il ne va pas se tourner vers l’extrême droite. Cela varie en fonction des contextes nationaux.

L’objectif principal de Poutine est de protéger le régime et donc d’affaiblir l’Ouest, considéré comme un adversaire. S’il peut le corrompre, cela lui suffit. D’autant que corrompre un adversaire qui est chef de gouvernement ou chef d’État permet d’affaiblir l’unité européenne. Si le président russe n’arrive pas à l’atteindre en revanche, alors il va chercher des liens avec l’extrême droite – ce qui est aussi un moyen de déstabiliser les sociétés européennes.

Un quatrième mandat crucial pour le poutinisme

Dans quels pays le Kremlin entretient-il de bonnes relations avec les partis de gouvernement ?

Moscou est en très bons termes avec Les Républicains en France. Il avait de bonnes relations avec Pillon, Sarkozy … Certes, Pillon a perdu la présidentielle, mais si vous regardez le nombre de politiciens LR qui se sont rendus dans la Crimée annexée, combien se sont rendus en Russie, ou combien sont favorables au retrait des sanctions économiques contre la Russie, cela fait une grosse proportion du parti.

Le Kremlin a également de bonnes relations avec l’ÔVP, le parti conservateur autrichien [dont le jeune président, Sebastian Kurz, est en train de prendre la tête du gouvernement autrichien – ndlr]. Ces relations sont appuyées par des liens commerciaux. C’est pourquoi les activistes russes n’ont pas interféré dans les élections législatives autrichiennes cet automne en faveur de l’extrême droite ; ils préfèrent coopérer avec les forces gouvernementales, qui sont par ailleurs en lien avec les grandes entreprises du pays, tandis que le FPÖ [le parti d’extrême droite – ndlr] est seulement soutenu par les petites et moyennes entreprises.

Comment le Kremlin s’y prend-il, selon vous, pour déstabiliser l’unité européenne ?

Il est par exemple convaincu que les ONG occidentales travaillent contre le régime de Poutine. C’est pourquoi aujourd’hui de si nombreuses fondations et ONG en Russie sont considérées comme « agents de l’étranger», ce qui en russe sonne comme agents d’influence. C’est se méprendre sur le travail réel de ces ONG. La plupart n’ont rien à voir avec la politique! Le pouvoir s’est mis à financer lui-même des organisations pro-russes à l’étranger, pensant que l’Ouest faisait cela en Russie.

Dans cette stratégie, il ne s’agit donc pas uniquement de soutien à l’extrême droite. Des acteurs russes – pas seulement le Kremlin – soutiennent tout ce qui va diviser au sein de l’Union européenne. Ils vont soutenir le référendum catalan, le Brexit … Les médias russes ont largement mis en avant les événements catalans, simplement parce que c’était déstabilisant pour l’UE. Uniquement pour cette raison. Sur Twitter, les trolls pro-Kremlin ont été extrêmement actifs juste après le référendum britannique, avec pour effet d’amplifier le conflit à l’intérieur de la société britannique.

Qu’en est-il de l’actualité polonaise ? Même si le gouvernement au pouvoir à Varsovie paraît très hostile à Moscou, comment est-il couvert par les médias russes ?

L’élection du PiS [« Droit et Justice », le parti ultraconservateur polonais – ndlr] a été en réalité très bénéfique pour la Russie. Car il fait à l’Union européenne précisément ce que le pouvoir russe aurait voulu faire. Le PiS apporte le conflit. Il dresse la Pologne contre Bruxelles. Il contribue à la formation d’un bloc « illibéral » en Europe centrale et orientale … Avant, il n’y avait que la Hongrie sur ce terrain-là. À présent, il y a aussi la Pologne, qui pourrait attirer d’autres pays derrière elle. Quoi de plus perturbateur pour l’UE ? J’imagine que l’on a bu du champagne au Kremlin le soir où le parti de Kaczynski a remporté les élections … Il est même possible que le Kremlin ait contribué à la radicalisation du discours du PiS sur la catastrophe de Smolensk [le crash, en avril 2010, au cours duquel une grande partie des dirigeants polonais ont trouvé la mort – ndlr], en refusant jusqu’à aujourd’hui de renvoyer les débris de l’avion aux autorités polonaises. Je pense qu’ils le font délibérément, car cela ne peut qu’entraîner déstabilisation et polarisation du pays.

Xenia Sobtchak, candidate alternative à Poutine, a commencé sa campagne Y a-t-il une chance pour l’opposition à l’élection présidentielle russe de mars prochain ?

Guennadi Ziouganov est aussi candidat, pour le Parti communiste. Il y aura peut-être également Grigori lavlinski, le leader du parti Iabloko [« la pomme» – ndlr], un libéral. Tous deux n’ont aucune chance. C’est une force gâchée. Ils sont là depuis les années 1990, ils ont été représentés au Parlement ; ils ne le sont plus aujourd’hui.

Si Poutine décide d’être candidat, il va être réélu, c’est certain. Il n’y a pas de suspense.

Quant à Xenia Sobtchak, de nombreuses personnes, y compris dans le camp libéral, c’est-à-dire l’opposition à Poutine, la voient comme une création de l’administration présidentielle, une personne donnée à l’opposition en guise de remplacement de Navalny, qui ne pourra se présenter en raison des poursuites criminelles qui pèsent sur lui. Je crois que le rôle de Xenia Sobtchak dans l’élection présidentielle à venir va être de démobiliser toute protestation contre Poutine.

Elle va être soutenue par les membres du camp libéral, qui est très restreint en Russie. Puis elle va perdre, mais elle pourra dire qu’elle a perdu dans un jeu honnête. Cela aura un effet démobilisateur pour tout type de protestation à venir.

Ceci dit, elle va apporter de vraies thématiques dans la discussion, notamment le sujet de la Crimée – elle était contre l’annexion de la Crimée – , celui de la corruption … Il faut qu’elle ait l’air d’une opposante authentique ! C’est pourquoi elle sera autorisée à dire des choses très critiques sur le régime. Mais pas sur Poutine lui-même. Elle a admis qu’elle ne l’attaquerait pas. Elle a des liens personnels avec lui : son père a travaillé pour Poutine dans les années 1990 et elle éprouve de la reconnaissance envers ce dernier pour avoir à l’époque aidé son père.

Sa présence ne peut-elle pas contribuer à une certaine libération de la parole ?

En réalité, l’opposition s’exprime déjà de manière assez forte contre Poutine. Je ne pense pas que la candidature de Xenia Sobtchak amènera la critique dans les milieux mainstream. Car les principaux médias sont toujours contrôlés par l’État, et ceux qui ne le sont pas font de l’autocensure. Ils ne vont pas reprendre le narratif que Sobtchak va apporter. Seuls les médias d’opposition se feront l’écho de son agenda.

Qu’est-ce que la réélection de Poutine à venir peut entraîner dans les relations avec l’extrême droite européenne ?

Cela va dépendre de la façon dont les forces de droite sont structurées dans chaque pays. Poutine ne voulait pas soutenir Marine Le Pen en 2011 parce que les élites russes préféraient avoir des liens avec Sarkozy ou Hollande. C’est quand ce dernier s’est effondré que le Kremlin a décidé de soutenir Le Pen.

Pour l’instant, je ne vois pas de lien direct entre le quatrième mandat présidentiel de Poutine et les extrêmes droites européennes. Je pense que ce nouveau développement va dépendre des événements à l’international.

Ce quatrième mandat va en réalité être crucial pour le poutinisme : Poutine a besoin de trouver un successeur. Une personne qui va garantir sa sécurité quand il quittera le pouvoir. Les élites, de leur côté, ont besoin d’un nouveau manager. Car pour les élites russes, Poutine n’est pas simplement un président, il est aussi celui qui gère les conflits entre des élites en compétition. C’est lui qui a le dernier mot, c’est lui l’arbitre, et les élites ont besoin de cette personne, au risque sinon de voir apparaître une guerre civile en leur sein.

C’est ce qui me fait dire que Poutine est dans une situation très délicate. S’il ne trouve pas cette personne, il ne pourra garantir sa sécurité. S’il la trouve, le poutinisme continuera. C’est l’un des enjeux du prochain mandat, lequel s’ajoute à la gestion d’une économie nationale de plus en plus faible. Pour l’heure, aucun nom ne circule. Les médias russes ne se sont pas mis à promouvoir quelqu’un comme ils avaient pu le faire avant l’ascension de Dimitri Medvedev. Il est fort probable que le cercle restreint de Poutine ne voie pas encore qui pourrait lui succéder.

First published in Mediapart